Dans certaines communes, c’est un véritable ras-le-bol des éoliennes qui s’exprime. Jusqu’à en devenir un enjeu politique pour les municipales.
Symbole écologique par excellence, l’éolienne ne fait pas le bonheur de tous sur le territoire. « Bruyantes », « moches », voire « dangereuses », les critiques pleuvent dans certaines communes face à l’abondance des nouveaux projets d’implantation. Illustration de ce ras-le-bol d’une partie de la population, la ministre de la Transition écologique Élisabeth Borne s’est elle-même livrée à une sévère charge mardi, dénonçant « le développement anarchique » du secteur.
« Il y a des emplacements de parcs éoliens en covisibilité avec des monuments historiques. Je ne comprends même pas comment on a pu arriver à ces situations. On a des territoires dans lesquels on a (…) une saturation visuelle, voire une situation d’encerclement autour de certains bourgs qui est absolument insupportable », a-t-elle tancé, plaidant pour « un développement harmonieux ».
Devant la grogne qui s’exprime parfois au niveau local, le sujet revêt un enjeu primordial pour certains habitants à un mois des élections municipales. Dans ce contexte, L’Express a dressé une liste (non-exhaustive) de cinq communes, ou pour des raisons différentes, les éoliennes font débat.
À Bellenaves, dans l’Allier, on veut protéger la forêt
Dans le village de Bellenaves, dans l’Allier, le projet d’implantation d’un parc éolien fait enrager une partie des habitants depuis plusieurs années. La cause ? Cinq aéromoteurs doivent être installés à l’horizon 2022 au beau milieu de la forêt des Colettes toute proche, à l’initiative du maire et de l’ONF (Office national des forêts).
Problème : la forêt des Colettes, souvent citée comme une des plus belles hêtraies d’Europe, est le refuge de nombreuses espèces végétales et animales, dont certaines figurent sur la liste rouge des espèces menacées, retrace La Montagne. Alors pour protéger cet espace naturel, des habitants ont lancé le collectif « Préservons la forêt des Collettes », regroupant sur Facebook plus de 400 membres.
De son côté le maire de Bellenaves, Dominique Bidet, met en avant un projet destiné à lutter contre le réchauffement climatique, faisant valoir que l’abattage de résineux ne concernera que « 1% de la surface de la forêt », selon La Montagne. À en juger par la mobilisation toujours active des opposants au projet, il semble que l’argument peine à convaincre.
À Picauville, dans la Manche, le débarquement revisité
Dans la commune de Picauville, dans la Manche, un projet de parc éolien sème la zizanie depuis sa présentation en mairie en novembre dernier. En cause : l’installation de cinq aéromoteurs à quelques centaines de mètres des marais de La Fière, l’un des grands sites des parachutages alliés lors du Débarquement.
Du côté de la mairie, on argue que le projet permettrait une rentrée financière de 85 000 euros par an pendant 30 ans. Mais dans le village de 3200 habitants, on ne décolère pas, rapporte Le Parisien. Plusieurs pétitions ont vu le jour, et certaines associations sont montées au créneau, notamment celle des Amis des vétérans américains. « Les militaires américains que j’ai tenus informés sont choqués par ce projet », gronde son président Maurice Renaud, selon Ouest-France.
« La présence de ces éoliennes interdirait les parachutages commémoratifs que nous effectuons chaque année. Ils attirent la foule et participent à la renommée de toute la région », s’offusque-t-il. Quoi qu’il en soit l’actuel maire de Picauville, a décidé de ne pas se représenter. Son septième mandat aura été le dernier.
À Sévérac-le-Château, dans l’Aveyron, les animaux en première ligne
Six pipistrelles communes, deux linottes mélodiques, trois vautours fauves… Tous fauchés en plein vol par des pales d’éolienne. Au total, 17 cas de mortalité d’oiseaux et 14 de chauves-souris ont été enregistrés par l’association France Nature Environnement au cours de l’année 2019 dans le parc éolien de Monfrech à Severac-Le-Château dans l’Aveyron.
« Pourtant, ce parc éolien ne bénéficie d’aucune autorisation environnementale pour porter atteinte aux espèces animales protégées, et ne déploie donc pas de mesures environnementales pour limiter ces impacts », déplore l’association dans un communiqué. De sorte qu’elle a porté plainte contre X pour destruction d’oiseau protégés, ce lundi 17 février. Elle demande aussi au préfet de l’Aveyron de mettre en demeure l’exploitant en prenant des mesures conservatoires pour protéger les espèces menacées.
« L’objectif affiché du développement de l’éolien est la transition écologique mais souvent des intérêts purement financiers se cachent derrière cette intention vertueuse. Quoi qu’il en soit, les populations d’oiseaux et de chauves-souris ne doivent pas être impactées par le fonctionnement des éoliennes », souligne à cet égard Thierry de Noblens, le président de FNE Midi-Pyrénées. Espérant, cette fois, éviter l’hécatombe.
À Mondreville, en Seine-et-Marne, c’est Noël toute l’année
Le petit village de Mondreville en Seine-et-Marne compte 18 éoliennes en commun avec sa communauté de communes. Et cinq ans après l’installation des aéromoteurs, les griefs exprimés par certains habitants représentent assez bien ceux que l’on peut retrouver dans de nombreuses autres communes : à savoir le bruit trop important, et un paysage transformé.
Comme Roger, un habitant interrogé par la radio RMC qui s’est rendue sur place. À moins d’un kilomètre de son domicile, se dressent désormais une douzaine d’éoliennes. « On est venu là pour voir un paysage devant chez moi, et à présent le paysage est gâché ». « On entend de plus en plus le bruit des pales surtout le matin. Le soir, ce sont les illuminations de Noël, tout clignote », ajoute-t-il, avec sa femme Maryse.
Dans le département, le collectif Stop Éolien 77 s’est formé pour lutter contre de nouvelles implantations. « Nous sommes dans des régions qui ne sont pas ventées. Une machine qui marche à 16% n’est pas une machine rentable », tranche auprès de RMC son porte-parole Charles-Henri Saïller.
Au Tréport, en Seine-Maritime, le projet offshore prend l’eau
Des éoliennes sur terre… mais aussi en mer. Depuis plus de 10 ans, le parc éolien offshore de Dieppe-Le Tréport suscite la controverse : et ce malgré l’obtention des autorisations pour la construction des 62 éoliennes dans la Manche, obtenues en février 2019. Ainsi, plusieurs recours ont été déposés devant le tribunal administratif de Nantes pour obtenir l’annulation du projet.
Parmi les mécontents, plusieurs associations comme Sans offshore à l’horizon, ou la Scopa (Sauvegarde des côtes d’opale picarde et d’albâtre, de Mers-les-Bains), qui dénoncent un risque de destruction de l’écosystème marin. Des pêcheurs normands et picards sont aussi de la partie, retrace le site Actu.fr. Ils craignent pour leur part un manque à gagner important sur leur activité, alors que la zone d’implantation est riche en poissons.
Un débat de longue haleine donc. D’autant que d’autres parcs éoliens sont en projet dans la région : notamment à Fécamp et Courseulles-sur-Mer. Des discussions sont aussi en court sur l’opportunité d’ouvrir un quatrième parc offshore, dont la localisation n’a pas encore été arrêtée, selon France 3 Normandie. De quoi ramer encore un peu.
Source : Paul Véronique Journal l’Express du 22/02/2020