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“S’il y a bien une énergie minable, c’est l’éolien”

Le catastrophisme concernant le réchauffement climatique ne lui semble pas aller de soi. Le discours dominant écolo l’énerve.
Qui est Sylvie Brunel ?
Géographe, écrivain, professeur à Sorbonne Université, elle a travaillé 17 ans dans l’humanitaire et a été présidente d’Action contre la Faim.

Ses deux derniers livres : Toutes ces idées qui nous gâchent la vie (Lattès, 2019), et Pourquoi les paysans vont sauver le monde (Buchet-Chastel, 2020). Rencontre avec une climato-réaliste, optimiste.

A Bruxelles, depuis début de l’année, certains véhicules Diesel considérés « trop polluants » ne peuvent plus rouler sous peine de recevoir une amende. Par ailleurs, en Wallonie, une taxe pouvant aller jusque 2500 euros est imposée aux véhicules rejetant plus de 145 g de CO2/km. Qu’est-ce que cela vous inspire ?

Voici venue l’ère des nouvelles brigades de la prétendue vertu écologique, qui entendent dicter nos comportements et aliéner une liberté fondamentale de l’individu : le droit de se déplacer. Nous sommes en train de tuer l’industrie automobile européenne, grevée de distorsions de concurrence graves. De compromettre gravement la mobilité des personnes pauvres, mais aussi des familles nombreuses, qui n’ont pas forcément la possibilité de s’offrir les véhicules électriques dernier cri, dont le bilan écologique d’ailleurs n’est pas aussi bon qu’on le prétend.

Le parti ECOLO se bat pour que le programme de démantèlement des centrales atomiques soit respecté : la sortie du nucléaire est prévue en Belgique entre 2022 et 2025. Cette mesure est-elle pertinente pour combattre le réchauffement climatique ?

Une autre aberration, qui consiste à se priver de ce qui marche pour mettre en œuvre à grands frais ce qui ne marche pas. En termes de bilan carbone, celui du nucléaire est excellent : c’est la seule énergie qui n’émet pas de C02 ! Se priver de l’électricité produite pas les centrales, c’est abandonner une énergie qui a fait ses preuves en termes de sécurité et de rendement, pour miser sur du prétendu renouvelable plus coûteux, plus polluant, plus cher, intermittent, et tellement peu efficace que nous allons saboter nos campagnes et nos littoraux avec des forêts d’éoliennes !

Les parcs éoliens ont le vent en poupe en Belgique. Si on en croit certains médias et certains partis, il faudrait transiter vers de l’énergie par éoliennes. Qu’en pensez-vous ?

S’il y a bien une énergie minable, c’est l’éolien. Hors de prix rapporté à l’énergie produite, désastreuse pour les oiseaux, les chauves-souris et les paysages, des forêts de béton qui endommagent les plus beaux sites, plantées sur des plates-formes dont l’emprise au sol est colossale ! Le bilan environnemental des éoliennes est désastreux sur tous les plans, mais il y a des intérêts financiers colossaux dans la promotion du renouvelable, pour lequel, par pure idéologie, les pouvoirs publics sont prêts à allouer des sommes aberrantes rapportées au KWh produit. C’est le nouveau rush des opportunistes, dans une Europe qui devrait au contraire tout mettre en œuvre pour préserver son patrimoine architectural, ses campagnes, ses horizons…

« S’il y a bien une énergie minable, c’est l’éolien »

Le député fédéral Georges Gilkinet (Ecolo) a déclaré que son parti redéposera « un texte de Loi Climat en priorité dès l’entame de la prochaine législature » … Une loi climat est-elle indispensable en Belgique au vu de la catastrophe liée au changement climatique annoncée dans le monde entier ?

Ce n’est pas ainsi que je formulerais le problème. Que tous les pays se mobilisent pour faire face aux conséquences du changement climatique, mettent en œuvre des politiques d’atténuation et surtout d’adaptation, c’est un consensus international. Les Belges veulent prendre leur part dans une Europe qui prétend donner l’exemple, pourquoi pas ? Mais les réponses apportées sont aberrantes, alors même que les conséquences mondiales du coronavirus, qui gèlent les échanges internationaux, vont concrètement ralentir les émissions au-delà des plans Climat les plus ambitieux ! Mener en revanche des politiques sociales en direction des premières victimes des aléas climatiques, les pauvres qui n’ont pas les moyens de s’offrir des logements bien isolés en centre-ville et subissent l’ostracisme de la relégation, aider les agriculteurs, premiers acteurs du territoire, à faire partie intégrante des plans climat, voilà à mon sens les deux directions les plus durables d’une écologie humaniste et efficace.

« Greta Thunberg est devenue une marionnette dont on exploite les souffrances »

Que pensez-vous des jeunes élèves belges qui sèchent les cours pour manifester “pour le climat” ? Et que pensez-vous de Greta Thunberg ?

Ils sont sincèrement indignés et veulent le manifester, soit. Mais réagir par l’émotion et l’indignation n’est pas le bon calcul. Il vaut mieux être capable d’apporter des réponses intelligentes et durables aux défis posés par le changement climatique, que ce soit en matière d’énergie et de découplage, d’agriculture et de sécurité alimentaire, d’urbanisme et d’architecture, d’économie circulaire, de gestion intelligente des déchets, de valorisation des ressources, de biodiversité. Tout cela demande des compétences et une formation pointues ! Aller faire les clowns dans la rue n’est, le plus souvent, qu’un excellent prétexte pour sécher les cours. Quant à la jeune Suédoise, sa responsabilité n’est pas en cause, car elle ne comprend même pas ce qu’elle fait : elle est devenue une marionnette dont on exploite les souffrances, et ceux qui se sont aussitôt prosternés devant ses récriminations adolescentes sont des criminels.

Source : Blog de Mediapart le 21/03/2020

Interview

Sylvie Brunel

Sylvie Brunel est une géographe, économiste et écrivain française, née le 13 juillet 1960 à Douai.
Spécialiste des questions de développement, elle a travaillé pendant plus de quinze années dans l’humanitaire (Médecins sans frontières, Action contre la faim) et a publié une trentaine d’ouvrages consacrés au développement, en particulier aux questions de famine. Elle est à ce jour professeur des universités à l’université Paris IV-Sorbonne et chroniqueuse régulière du magazine 28 minutes sur Arte.

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